Une définition de la poésie ?

 

De nombreuses définitions ont été données par les poètes eux-mêmes, toutes différentes parce que la poésie est propre à chacun, à chaque sensibilité. Les manières poétiques, les ressentis sont uniques.

Pour moi la poésie c’est de la musique avec des mots, une manière de dire particulière et élégante, un langage propre, différent du langage habituel. La poésie est un jeu, mais un jeu difficile, une façon de dire, voire de travestir ce que l’on a à dire. La poésie est liberté même quand elle s’impose des contraintes formelles car le choix des jeux de langage est immense, sans fin, susceptible chaque fois d’être réinventé. La poésie est un usage des mots qui éveille les sens, touche l'âme et élève l’esprit. C’est une manière transcendée par l’inspiration, dirigée par la réflexion.

La poésie surgit de cet ailleurs intérieur, invisible aux autres, elle est toujours présente chez le poète mais ne se manifeste qu’en des moments privilégiés. La poésie révèle les peurs et les chagrins, les désirs et toutes les passions, les envies non résolues, elle magnifie les bonheurs et les désespoirs, elle crie ses révoltes. La poésie est une expiration, disait Cocteau.

 

J’écris depuis l’adolescence. Quand j’étais petite, je songeais que plus tard je pourrais être écrivain. C’était une pensée très intime que je ne formulais pas,  un état auquel je ne me pensais pas forcément destinée. Petite, je lisais et je dessinais, naturellement, cela me suffisait.

Adolescente, je me suis mise à écrire un journal que j’ai tenu plusieurs années très régulièrement. Adulte, j’écrivais des choses par-ci, par-là, des pensées, des impressions. L’envie d’écrire était venue mais ne prenait pas forme, d’autant plus que j’avais toujours ces moyens d’expression qu'étaient la peinture, le dessin. Des exutoires, souvent.

Un jour, j’ai lu Marguerite Duras. Révélation. J’ai su alors comment écrire. J’ai compris que ma manière d’écrire était la forme poétique. Eluard et sa « Capitale de la douleur » m’ont confortée dans cette voie. Pendant des années, je m’étais sentie en déphasage avec la réalité, mal à l’aise avec le quotidien. Soudain l’écriture m’aidait à accorder mon intériorité avec le monde extérieur.

Ecrire n’est pas toujours facile. Quelquefois, on ne peut pas, ou ce qu’on écrit ne va pas. L’inspiration n’est pas là. Il faut attendre l'instant. Alors, on écrit. C’est l’intérieur de soi qui se manifeste, une impulsion, plus ou moins maîtrisée. Mais que l’on écrive ou pas, l’état poétique est toujours là. Il n’y a pas des moments où l’on est poète et des moments, où on ne l’est pas. Il y a des moments où l’expression par les mots est, non seulement nécessaire, mais possible. C’est un état particulier, un moment en dehors de la réalité même lorsqu’il est inspiré par cette réalité. Un moment en soi et au-delà de soi et de ce qui nous entoure. Un ailleurs sans bouger de place. Peut-être un voyage. Toujours une communication avec soi.

L’envie d’écrire est toujours là, intérieure, prête à éclore. L’envie d’écrire ou de faire quelque chose : peindre, dessiner, sculpter... Marguerite Duras disait : je peux dire ce que je veux, je ne trouverai jamais pourquoi on écrit et pourquoi on n’écrit pas.

C’est tout à fait cela, ça doit être inscrit dans les gênes. On se sent rempli de choses, qui, à un moment donné, doivent sortir. On ne peut expliquer pourquoi. Tout ce qu’on sait, c’est que c’est une nécessité, quelque chose qui nous pousse et qui fait que l’on se sent mal si l’on n’obtempère pas. L’envie d’écrire est vitale.

L'inspiration vient de partout. La nature est une source d’inspiration, ainsi que tous les lieux propices à la méditation, à la réflexion, à la confrontation avec soi-même. Les moments de joie, de tristesse ou de rébellion, le vécu intime ou celui qui nous entoure, les événements de la vie extérieure. Tout est inspiration. Les autres aussi, ceux du présent et ceux du passé, artistes ou non. Beaucoup les artistes et ce qu’ils ont créé. Certains univers même sont des révélateurs à soi-même. On comprend que ce que l’on ressent a été ressenti par d’autres. Et c’est rassurant.

 

Chantal Godé-Victor